La fille qui avait fini chez les grands brûlés à cause d’un Escherichia coli particulièrement vindicatif

Nurse

Loutre me faisait remarquer hier que ça faisait très longtemps que je n’avais rien écrit sur mon blog.
C’est vrai.
Mais bon, si j’avais pas passé deux jours à l’hôpital en avril et ensuite deux mois sans pouvoir me gratter les fesses ni manger autre chose que des compotes Leader Price, c’est sûr que j’aurais recommencé à bloguer plus vite (surtout que j’avais très envie de bitcher sur n’importe quoi, c’est un très bon dérivatif quand on est sur le point de risquer la perpétuité pour infanticide, crime passionnel et cruauté envers les animaux).
Un soir de la fin avril, on passait une soirée vraiment très ordinaire, Phlegmon jouait aux Lapins Crétins sur sa console et se mettait à braire environ toutes les dix secondes, Loutre lisait un bouquin avec un résumé qui était tout un programme (« Un homme à la quête de lui-même, qui se défie de son sang, se lance dans la cartographie, souche par souche, des arbres coupés par sa famille ») et moi je bitchais en faisant vaguement une partie de Resident Evil.

– Dis, il m’a l’air top, ton bouquin.
– ….
– Hein? Hein qu’il est top, ton bouquin? C’est comment son p’tit nom, au héros, déjà…Nicolas le jardinier?
– ….
– Bah tu me réponds même pas?
– J’entends tes synapses grésiller et hurler leur souffrance à la face du monde tandis qu’elles s’atrophient inéluctablement. Continue à zigouiller tes zombies en bavant comme une adolescente pré-pubère et ferme ta gueule.
– Ok, je me tais…Silence, ça pousse, tout ça…

Vers minuit, j’ai commencé à avoir un peu mal au ventre, mais je me suis dit que c’était à cause de la pizza ananas-chèvre-pepperoni-piment.
A force de suivre le héros de son livre qui péchait à la mouche et admirait des couchers de soleil en comptant les souches d’arbres, Loutre a décidé d’aller se coucher. Ted Bundy, qui est un chien pétomane mais pas idiot, a bien compris que c’était l’heure de sortir dans le jardin pour se soulager, mais il avait pas super envie de se lever. Du coup, il a regardé Loutre avec ses yeux d’ours en peluche sexuellement abusé, pour implorer sa pitié.

– Ne me regarde pas comme ça, Jean Bath’, tu sais que tu ne vas pas y couper. Allez ouste, tu sors.

Après, pendant cinq minutes, comme tous les soirs, j’ai entendu Loutre se fâcher dans le jardin. Et comme tous les soirs, Ted Bundy est resté debout le long du mur de la maison, à regarder Loutre dans les yeux.

– Allez Ted Bundy, maintenant tu fais pipi. [……] Allez, mon vieux, pipi et qu’on en finisse. [……] Bon, on va pas y passer le réveillon! [……] PUTAIN, allez quoi! […..] Mais tu vas PISSER, BORDEL? […..] T’es bouché ou t’es juste CON? PIPI, BORDEL! […..] PI-PI! PI-PI! PI-PI! [……..] Pssshhhhh pshhhhhhh….[…..] PIPIIIIIIIIIIIIII !

– MAIS TU VAS LA FERMER, TA GUEULE? a hurlé monsieur Nedelec par-dessus le mur.

Et puis on a entendu un bruit d’arrosage, et une voix qui grommelait « ah tu veux du pipi? ‘Vais t’en filer, moi du pipi, tu vas voir! », et on a compris que c’était monsieur Nedelec qui urinait contre le mur mitoyen.
Avant que Loutre se mette à le traiter d’enculé et à nous mettre sérieusement dans l’embarras, j’ai voulu ouvrir la bouche pour lui dire de rester calme, mais au lieu de ça j’ai vomi toute ma pizza, et aussi les fraises Tagada que j’avais partagées avec Phlegmon.

Bon, après ça on a très vite compris que j’étais malade, et je suis vite allée me coucher. Mais dans la nuit, j’ai rêvé de Loutre qui hurlait « PI-PI! PI-PI! PI-PI! » et qui faisait des bruits d’eau qui coule, et du coup j’ai dû aller aux toilettes. Sauf que je suis tombée dans les pommes, juste en haut de l’escalier du deuxième étage, parce que j’avais beaucoup vomi et que mon corps était vide (ou quelque chose comme ça).

En me réveillant, je me suis rendu compte que j’avais descendu tout l’escalier drôlement vite, que j’avais du sang un peu partout et qu’il y avait trois pompiers qui étaient penchés sur moi. Il y en avait un qui tenait un masque à oxygène, un autre qui avait une trousse de secours et le troisième qui tenait deux de mes dents dans sa main. Loutre flippait à mort et faisait les cent pas en demandant aux pompiers si j’allais bien, mais les pompiers m’examinaient dans tous les sens et lui jetaient des regards assez méchants.

– Et comment elle s’est fait ça, la p’tite dame? a fait le premier pompier.
– Elle doit pas avoir peur de tout nous raconter, a fait le deuxième.
– Ouais, a fait le troisième.

Ils ont tous tourné leurs regards vers Loutre avec l’air de savoir exactement QUI avait planqué Xavier Dupont de Ligonnès depuis deux ans.

– Bah j’ai une gastro, j’ai dit.
– Une gastro, a fait le premier pompier.
– Une gastro, a fait le deuxième.
– Ouais, a fait le troisième.

J’ai bien vu qu’ils ne me croyaient pas, et j’ai vu que Loutre aussi avait bien vu qu’ils ne me croyaient pas, et Loutre a commencé à avoir de la fumée qui lui sortait par les oreilles et par les  narines, mais y’avait que moi qui voyais cette fumée, et j’avais envie de dire aux pompiers que c’était pas vraiment le moment de faire un remake de « Plus jamais« , mais au lieu de ça j’ai encore vomi.

– Ils insinuent quoi, les trois Stooges? Y’a un message caché? Vous croyez que je lui ai tapé sur la gueule? C’est pas l’envie qui m’en manque, quasiment 24h sur 24, mais elle a un moyen de pression imparable.
– Un moyen de pression, a fait le premier pompier.
– Un moyen de pression, a fait le deuxième.
– Ouais, a fait le troisième.
– ….
– Lequel? a demandé le premier pompier.
– ….
– Bon Marcel, appelle la police.
– OK, ok, ça va! a dit Loutre.
– On attend, a fait le premier pompier.
– On attend, a fait le deuxième.
– Ouais, a fait le troisième.
– La photo de ma communion solennelle. Et allez vous faire foutre.

Quand ils m’ont emmenée dans l’ambulance, ils avaient du mal à me poser la perfusion tellement ils rigolaient, rapport au fait que je leur avais montré la photo pendant qu’ils me prenaient la tension.
On est arrivés aux urgences, où on m’a fait tout plein d’examens, et Loutre me faisait des grands sourires quand les infirmières et les médecins étaient là, et me disait « ça va aller mon cœur, ça va aller mon cœur », et puis dès que je me retrouvais toute seule à attendre pour le scanner ou la radio, Loutre me sifflait à l’oreille « J’espère que t’as un putain d’œdème cérébral, La Chose, j’espère que tu t’es fracturé tous les doigts de la main droite et que tu ne pourras plus JAMAIS tripoter le joystick de ta console de mongolienne, j’espère que t’auras une descente d’organes et que tu vas te retrouver avec les amygdales au niveau de l’anus ».

Docteur et nurse

Au bout du compte, j’ai pas eu de descente d’organes, seulement des dents cassées, une main fracturée et des brûlures sur la tronche parce que je m’étais râpé la joue sur l’escalier (Phlegmon, elle a adoré, on a joué à Freddy Krueger pendant des semaines avec les couteaux Laguiole de la cuisine après ça). Loutre s’est très bien occupé de moi, j’avais des plateaux-repas au lit, tous les films que je voulais sur ma clé USB, des glaces en dessert parce que je pouvais pas vraiment mâcher, et même ma console de jeu, mais comme j’avais la main droite dans le plâtre, il a fallu trouver un arrangement.

– Tu crois pas que t’abuses largement, La Chose?
– Appuie sur croix. Appuie sur croix, bordel.
– Ayé, j’ai appuyé sur croix. Tu crois pas que tu vas trop loin?
– merde, merde, triangle, fais triangle!
– Tu m’écoutes?
– TRIANGLE!!!
– Ben ça va, ça va! Tiens, pauvre fille, fais triangle toi-même, moi je me tire!
– C’est ça, on lui dira. Tu veux que je balance la photo sur internet?
– …..
– …..
– …..
– Appuie sur « rond », on arrive au campement ennemi et faut ramper.

Catégories : Tourista, fièvre jaune et crash aériens | Étiquettes : , , , , , | 17 Commentaires

Navigation des articles

17 réflexions sur “La fille qui avait fini chez les grands brûlés à cause d’un Escherichia coli particulièrement vindicatif

  1. floriane

    Loutre a raison, ça faisait longtemps. Faut pas nous priver comme ça, d’une ‘tite rigolade devant notre écran (index de mécontentement qui remue de gauche à droite)
    Merci à toi d’avoir réparé cet affront et maintenant, vas-y, on est entre nous, balance la photo !

    • T’es folle, j’ai pas le permis et on part en vacances, j’ai pas envie de faire le trajet à pieds avec, en plus, les deux genoux pétés.

  2. wouah la vache!!! sacrée histoire!
    c’est ta vraie histoire???

    bon j’ai quand même ri…(désolée) et ri fort (merde je suis au boulot) sur le passage e dupont ligones je ne sais quoi :o))
    bon ben bon retablissement alors!

    • C’est (presque) la vraie histoire, j’ai juste omis le passage où je vomis sur le pompier qui dit « ouais ».

  3. La dernière fois que j’ai été autant malade, en fait de gastro c’était l’Hépatite A. Mais je me suis pas trop plaint parce qu' »une bonne hépatite A rend le ventre plat ».
    Ouelcombac.

  4. Moi aujourd’hui j’ai été chargée par une vache…ça m’a pas autant fait rire que la lecture de ton article.
    Si tu pouvais continuer à nous en sortir un par jour j’apprécierais, merci.

    • Mais bien sûr, d’ailleurs j’ai donné ma démission ce matin en expliquant à mon manager que décidément, c’était trop de la balle de se consacrer à sa passion pour l’écriture de conneries mômesques, et qu’il pouvait d’ailleurs se coller mon dernier salaire là où je pense, que j’avais décidé de vivre d’amour, d’eau fraîche et des allocs.

  5. Ha ouais , je connais une dame qui n’a pas le permis aussi, du coup elle accepte de rester avec le type qui l’envoie à l’hosto une fois par mois. J’aime beaucoup votre hygiène de vie.

    Je comprends enfin le sens de « une tranche de rire vaut un steak », en fait c’est l’inverse « une tranche de steak vaut un rire ». ( Ouais )

    la loutre est puérile vous faites bien d’en profiter.

  6. hotllywood

    Mais alors tu existes vraiment et on peut te blesser!?

  7. Tu es sûre qu’il n’y a pas eu tentative d’empoisonnement ???
    Tu sais toujours comment faire pour te faire pardonner par tes fidèles lecteurs tes (trop) longs silences… Toujours un grand plaisir de te lire, je ne m’en lasse pas !

    • Pour l’empoisonnement je ne sais pas trop, c’est vrai qu’on avait commandé des pizzas et bu de la bière juste avant…Attends…Je revois Loutre quitter la pièce et aller dans le garage, où on met le désherbant…attends…ouais…attends…

  8. ah bah mince alors, tu te rates pas toi quand t’es malade!! 0_o

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Propulsé par WordPress.com.

%d blogueurs aiment cette page :