Hier, dans ma Boîte, on a reçu des collègues qui travaillent dans notre filiale norvégienne.
Notre Chef nous avait bien expliqué que le but, c’était de leur montrer tout ce qu’on faisait en France, vu qu’on est un peu les meilleurs et que les autres, c’est rien que des baltringues (surtout les Américains, qui nous ont piqué le Minitel, le Tatoo et le Bi-Bop, qui étaient des inventions de qualité tellement en avance sur leur temps, un peu comme les vieux pornos Marc Dorcel joués par des moustachus gras du bide, qui sont des films bien plus esthétiques que les productions yankee actuelles).
Donc on est tous allés à l’aéroport pour rencontrer Leif et Gunnar, nos collègues, et moi j’étais très contente parce que j’étais sûre qu’on allait tomber sur deux types qui ressembleraient à Thor, avec des collants moulants et des plumes de poulets sur leurs casques. J’avais briefé les collègues de mon équipe en leur racontant le coup du marteau Mjöllnir et des Vengeurs, et j’avais très envie qu’on aille tous boire de l’hydromel une fois qu’on se serait débarrassés des PowerPoint pleins de camemberts colorés et de mots compliqués que mon Chef aime nous obliger à lire pendant les réunions.
Leif et Gunnar, en vrai, ils ressemblaient pas vraiment à Thor. Quand ils sont arrivés dans le hall, j’ai cru qu’on s’était trompés et qu’on s’était pointés à la sortie de l’avion qui transportait l’Amicale Internationale des Sosies de Bill Gates Sexuellement Inactifs depuis 1978.
Maeva, qui était assez déçue parce qu’elle est très fan de Chris Hemsworth (et aussi de tous les rugbymen qui posent sur les calendriers, d’Ashton Kutcher et de Chad Michael Murray), elle a fait une tête comme celle de Loutre quand je prépare du saumon en papillotes à la maison (il fallait me le dire, à moi, qu’on prenait seulement de l’aluminium pour faire les papillotes, et pas du film alimentaire).
– Quel cauchemar, c’est comme si Michel Blanc avait fauté avec Calista Flockhart, elle a dit.
Pendant le trajet en voiture jusqu’aux bureaux de la Boîte, notre Chef a essayé de faire la conversation aux Norvégiens en anglais, mais comme il parle pas très bien l’anglais, ça donnait l’impression que Jacques Delors expliquait la recette de la potée auvergnate à des touristes moldaves.
Une fois arrivés, on leur a fait visiter nos locaux, et ils souriaient beaucoup et hochaient la tête en faisant « Mmm mmmm » chaque fois qu’on leur montrait un nouvel endroit. Plus on avançait dans la visite et plus ils souriaient, et à la fin on voyait bien qu’ils étaient sur le point de se marrer franchement.
– Qu’est-ce qu’ils ont, Heckle et Jeckle? a demandé mon Chef en me faisant les gros yeux. Ils se foutent de notre gueule? La Chose, toi qui causes la langue de Benny Hill, demande-leur pourquoi ils se marrent.
Alors j’ai demandé aux Norvégiens, et ils m’ont répondu, et j’ai expliqué au Chef et aux autres collègues que chez eux, dans leur filiale, ils avaient des grandes baies vitrées partout qui donnaient sur la forêt, et aussi une salle de détente avec des jeux vidéos, et une cafétéria avec beaucoup de boissons gratuites et de petits plats faits maison, et un sauna gratuit, et que du coup, le distributeur Segafredo avec trois choix de café à deux euros, la salle de réunion sans fenêtres et les toilettes pas nettoyées, ça leur faisait un contraste intéressant.
– C’est rien que des branleurs de la Baltique, a dit mon chef (qui était énervé vu qu’on est un peu les meilleurs et que les autres, c’est rien que des baltringues). ‘Sont tout juste bons à écrire des polars pervers et des chansons merdiques chantées par des blondasses dont on sait même pas si c’est des mecs ou des gonzesses.
– Millenium et Abba, c’est suédois, j’ai dit.
– Votre gueule.
(Je sais pas si je t’ai déjà dit que mon chef avait voté pour Nicolas Sarkozy.)
(Deux fois.)
On a passé l’après-midi à avoir des échanges culturels très intéressants avec nos collègues, et aussi à deviser très sérieusement à propos de la crise des subprimes, de l’état du marché galactique et de la coiffure de Morten Harket. On m’a demandé de montrer nos logiciels très virils et musclés à nos amis de la Scandinavie nordique, ce que j’ai fait avec du plaisir et de la fierté, surtout qu’on a beaucoup de choses à leur apprendre en matière de développement informatique, vu que leur truc c’est plutôt le hareng séché, le touche-pipi au sauna et les festins villageois autour du feu (avec le chef viking au milieu et les esclaves sexuelles sous la table). J’ai allumé mon ordinateur Packard Bell trop joli qu’on m’a donné quand je suis arrivée dans la Boîte, en 2008, et qui marche encore très bien même s’il est un tout petit peu lent et qu’il fait du bruit comme une cafetière Krups qui aurait été achetée clandestinement à Berlin-Est en 1974. Il m’a fallu juste un tout petit peu de temps pour tout bien configurer, parce que le Manuel Utilisateur fait six cent pages, mais très vite j’ai pu leur faire une démonstration complète.
Quand ils ont vu les écrans de nos logiciels trop de la balle, Leif et Gunnar ont fait des choses avec leurs sourcils, et puis ils ont demandé très poliment en quelle année on avait développé tout ça.
– En 1998, a répondu mon Chef avec la tête du monsieur à qui ont vient de dire que son rottweiller il est trop beau et trop costaud.
Leif et Gunnar, ils se sont regardés et puis ils ont décidé de rien dire, sans doute parce qu’ils étaient über-scotchés par la puissance et la modernité de nos software.
Après, mon Chef leur a demandé en rigolant de nous montrer ce qu’ils avaient comme logiciels, eux. Alors ils sont sorti des tablettes extra-fines de leurs petites sacoches, ils les ont allumées en deux secondes (sûrement parce qu’elles avaient tellement peu de mémoire qu’il n’y avait rien à afficher) et puis ils ont lancé plein d’écrans très rapides et très modernes qui faisaient des calculs compliqués pour afficher de très jolies interfaces avec de la couleur, des animations et même de la musique. Et ils nous ont expliqué que chez eux, presque tous les clients de l’informatique scandinave nordique avaient choisi leur solution parce qu’elle était très facile à utiliser et vraiment pas chère. Du coup, ils nous ont demandé combien coûtait la nôtre, et quand on leur a dit, ils ont encore fait des choses avec leurs sourcils et aussi avec la drôle de boule qu’ils avaient dans la gorge.
Le soir, on a raccompagné nos amis Norvégiens à leur hôtel. Mon Chef voulait leur proposer une soirée très frenchy donc forcément géniale, vu qu’on est un peu les meilleurs et que les autres, c’est rien que des baltringues.
Mais je sais pas pourquoi, Leif et Gunnar, ils avaient l’air moyennement partants, du coup ils ont expliqué qu’ils préféraient se reposer dans leurs chambres et aussi téléphoner à la filiale à Oslo pour leur dire à quel point ils avaient été impressionnés par ce qu’ils avaient vu aujourd’hui, et qu’ils allaient sûrement terminer la soirée en regardant un documentaire sur l’élevage de dindes transgéniques en Alaska et ses conséquences sur la biodiversité.
Quand on est tous repartis, mon Chef nous a dit qu’on allait faire une soirée entre nous, dans un esprit très corporate et convivial, et qu’il allait nous emmener dans un restaurant très chouette où on allait sûrement croiser Mimi Mathy et même Faudel, vu que c’était un restaurant très pipôle où il avait ses entrées, et qu’on allait voir ce qu’on allait voir, qu’on avait pas besoin de deux péquenots cultivateurs de saumons pour s’amuser et qu’avec un peu de chance, on aurait même droit à une visite surprise de Demis Roussos et Didier Barbelivien qui improviseraient peut-être un duo sur « Quand je t »aime ».
Je te raconterai notre super soirée une autre fois, parce que là je suis un peu fatiguée, j’ai juste envie de dire que ça m’a un peu manqué, le documentaire sur l’élevage de dindes transgéniques en Alaska et ses conséquences sur la biodiversité.
La Chose, toi et moi on a un peu la même vie quand même (enfin, pour sa partie informatique) (pour le reste je veux pas savoir) (j’ai un peu peur quand même)
La vérité, ça me fait plaisir que tu ne t’en rendes compte que maintenant.
Le pire, le pire, c’est qu’un Arnaud Montebourg qui est sur la mème ligne de front, ou les 2 fronts (c’est pour ça qu’en france on est si intelligent , on a 2 fronts, et donc 2 versions des grandes eaux de Versailles, symbole de l’oppression absolutiste), voudrait perpètuer une telle conneries.
trop réaliste pour être drôle, à mon avis, ce documentaire sur la vie de l’élite (hé ouais)(c’est vraiment ça le pire).
incroyable, mais vrai?^^